Bonheur de la méditation

Yongey Mingyour rinpotché  » Bonheur de la méditation » page 69

« Le cerveau est structuré de telle sorte qu’il est possible d’effectuer de véritables changements dans notre expérience de tous les jours.  »
Le docteur ROBERT B. LIVINGSTON pendant la première conférence de l’institut Mind and Life, en 1987, il le compara à « un orchestre bien accordé et bien discipliné. Comme un orchestre symphonique constitué de groupes de musiciens, expliqua-t-il, le cerveau est composé d’ensembles les sentiments, les souvenirs et les  sensation physiques. Bien que les effets apparaissent simples lorsqu’on regarde quelqu’un bâiller, cligner des yeux, éternuer ou lever un bras, le nombre d’éléments impliqués dans des actes si élémentaires, ainsi que la variété des interactions qui concourent à les produire, forme un tableau infiniment complexe…….
A mesure que ma connaissance des sujets essentiels s’améliorait, il m’apparut de plus en plus clairement que ceux qui n’avaient pas été éduqués dans la tradition bouddhiste il était capital de reconnaitre la nature et le rôle des « musiciens  » dont parlait le docteur Livingston, et de comprendre pourquoi et comment les techniques de méditation bouddhistes sont efficaces, même à un niveau purement physiologique.
J’ai aussi appris avec grand intérêt ce qui, selon l’explication scientifique, s’était produit dans mon propre cerveau et m’avait permis de passer de l’état d’enfant paniqué à celui de voyageur qui peut se rendre partout dans le monde et se trouver sans la moindre trace de peur devant des centaines de personnes venues l’écouter enseigner…..

Mais revenons au cerveau. En langage commun, on peut dire que la plupart des activités cérébrales sont dues à un type de cellules très particulières appelés « neurone ». Ce sont des cellules éminemment sociables : elles aiment bavarder. Elle font un penser aux enfants dissipés qui s’envoient tout le temps des notes sur des bouts de papier ou se murmurent des chose à l’oreille, à ceci près que les conversations secrètes entre neurones ont surtout pour sujet les sensations, le mouvement, la solution des problèmes, la création de souvenirs et la production des pensées et des émotions.
Ces cellules bavardes ressemblent à des arbres avec un tronc (appelé « axone ») et des branches qui s’étendent pour échanger des messages avec les autres branches ainsi qu’avec les cellules nerveuse qui traversent les tissus des muscles et de la peau, les organes vitaux et les organes des sens. Les neurones se transmettent leurs messages par de petits interstices, appelés « synapses », qui se trouvent entre les branches les plus rapprochées. Les messages circulant dans ces interstices sont transportés sous forme de molécule chimique appelées « neurotransmetteur » qui produisent des signaux électrique mesurables par EEG. Certains de ces neurotransmetteurs sont maintenant relativement bien connus du public : la sérotonine, par exemple, qui joue un rôle dans la dépression ; la dopamine, associé aux sensations de plaisir ; et l’éphinédrine, plus connues sous le nom « d’adrénaline », substance chimique souvent produite en réponse au stress, à l’anxiété et à la peur, mais jouant aussi un rôle important dans l’attention et la vigilance. Le terme scientifique qui désigne la transmission d’un signal électrochimique d’un neurone à un autre est « potentiel d’action »- terme qui me sembla aussi étrange que l’est sans doute celui de « vacuité » pour ceux qui n’ont pas reçu de formation bouddhiste.
Comprendre l’activité des neurones ne serait pas très important en termes de bonheur et de souffrance, sauf pour deux ou trois détails essentiels. Quand les neurones se connectent entre eux, ils forment des liens comparables à ceux d’une amitié de longue date. Ils prennent l’habitude d’échanger les mêmes types de messages, comme de vieux compagnons qui tendent à se confirmer l’un l’autre leurs jugements sur les gens, les événements et les expériences. Cette formation de liens est la base biologique d’un grand nombre de ce qu’on appelle « habitude mentale », ces réactions instinctives que nous avons vis-à-vis de certaines personnes, de certains endroits ou de certaines choses.
Prenons un exemple très simple : si j’ai été terrifié par un chien dans ma petite enfance, un ensemble de liens entre neurones se forment dans mon cerveau qui correspond, d’un part, à la sensation de peur et, d’autre part, au concept que les chiens, sont effrayants. La prochaine fois que je verrais un chien, le même groupe de neurones se mettra à bavarder ensemble pour me rappeler que les chiens sont effrayants. Et chaque fois que ce bavardage aura lieu, il deviendra de plus en plus bruyant et convaincant, jusqu’à ce que cette habitude soit si bien installé en moi qu’il me suffise de penser à un chien pour que mon cœur se mette à battre plus vite et que j’aie des sueurs froides.
Maintenant supposons qu’un jour j’aille voir un ami qui possède un chien. Au début, quand je frappe à la porte, j’ai peur en entendant le chien et en le voyant se ruer dehors pour me renifler. Mais supposons qu’au bout d’un moment le chien s’habitue à moi et vienne s’asseoir à mes pieds ou sur mes genoux, et qu’il me lèche avec tant de joie et d’affection que je sois obligé de le repousser.
Dans le cerveau du chien, un ensemble de connexions neuronales associées à mon odeur et à toutes les sensations qui lui disent que son maître m’apprécie aboutissent à un comportement qui traduit l’idée : « hé, ce type est sympa! » Pendant ce temps, dans mon propre cerveau, un nouvel ensemble de bavardages entre neurones associé à des sensations physiques agréables commence à se produire, et je me mets à penser : « peut-être bien que les chiens sont gentils ! » Chaque fois que j’irais voir mon ami, ce nouveau schéma se renforcera tandis que l’ancien s’affaiblira, jusqu’à ce que je n’aie plus peur des chiens.
En neuroscience, cette capacité de remplacer d’anciennes connexions neuronales par de nouvelles porte le nom de « plasticité neuronale ». Le mot tibétain correspondant est lésou-roungwa, l’équivalent approximatif de « malléabilité ». Tout cela revient à dire que des exercices répétés peuvent amener le cerveau à modifier son mode de fonctionnement. C’est le « pourquoi » du « comment » des pratiques bouddhistes permettant de mettre fin aux habitudes mentales qui engendre la souffrance.